NOUS MENTIRAIT-ON II

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INDECT et SYSSEC, deux programmes européens à l'assaut des libertés individuelles

5avril2012

La mise en oeuvre de certaines volontés politiques actuelles de lutte contre le terrorisme par la mise en place de systèmes de surveillance électronique ouvriraient un espace d'acceptation collective, au nom de la lutte anti-terroriste, pour l'implémentation de systèmes et programmes dont l'étude est actuellement financée par l'Union Européenne. Deux d'entre eux menacent par leur objet les libertés individuelles: les projets INDECT et SYSSEC

 

Deux projets législatifs dans deux États membres de l'Union européenne ont défrayé l'actualité de cette dernière quinzaine : la proposition d'instaurer des poursuites pénales à l'encontre de tout internaute qui consulte régulièrement des pages web qui font "l'apologie du terrorisme" par le Président et candidat à l'élection présidentielle française Nicolas Sarkozy et le projet de surveillance générale de l'espace internet du territoire britannique. Ces deux projets postent un cauchemar sécuritaire aux portes de l'Union Européenne et menacent par leur objet même les libertés individuelles.

 

L'alarmant projet INDECT

La mise en oeuvre de l'une ou l'autre de ces volontés politiques ouvriraient un espace d'acceptation collective, au nom de la lutte anti-terroriste, pour la mise en place de systèmes de surveillance généralisée dont l'étude est actuellement financée par l'Union Européenne : les projets INDECT et CYSSEC. La page web dédiée à l'information sur l'état d'avancement du programme INDECT renseigne mieux sur sa nature que la page wikipedia dédiée:

"Le projet INDECT est un programme de recherche qui rassemble des scientifiques européens et leur permet le développement de nouveaux algorithmes, avancés et innovants et des méthodes qui visent à combattre le terrorisme et d'autres activités criminelles telles que le trafic d'êtres humains et le crime organisé qui affectent la sécurité des citoyens"

 

INDECT a vu le jour en Septembre 2009. Il est né à l'initiative du Parlement Polonais. Son but est simple : croiser des données collectées sur la toile, sur les statistiques de sites visités, couplées aux informations collectées via les systèmes de vidéo surveillance, et permettre la détection de comportements violents susceptibles de représenter une nuisance à l'ordre public. À terme, INDECT aura pour objectif la mise en œuvre d'un moteur de recherche sémantique, réservé aux forces de police et de sécurité, qui pourraient effectuer des recherches sur des mots clés pour répertorier toute page contenant des données sensibles, liées par exemple à la pédopornographie ou au trafic d'organes.

 

Plus encore, il renforcera les possibilités de surveillance généralisée sous le prétexte de traquer les internautes suspects directement sur leurs ordinateurs personnels ou sur n'importe quel autre appareil permettant de se connecter à l'Internet (ordiphones). Ce qui impliquerait "au mieux" l'installation (à leur insu ?) d'un mouchard pour surveiller leur activité, et au pire, l'implémentation d'un moyen d'inspection du trafic Internet (type DPI) pour surveiller l'ensemble des échanges de données directement sur le réseau, le projet n'étant à ce jour pas assez détaillé sur ce point pour nous permettre de donner plus de détails.

 

Le nécessaire contrôle politique et le défaut de transparence

Actuellement, et c'est bien là le cœur du problème, ce projet reste tout aussi obscur que ne l'a été l'accord ACTA, qui avait entrainé une mobilisation de plusieurs milliers de citoyens exigeant la levée du secret, pour que les élus puissent travailler sur ce dossier en connaissance de cause.

 

La version définitive de l'accord ACTA a été signée par l'Union européenne le 26 janvier 2012 à Tokyo, et le projet doit maintenant être ratifié par le Parlement européen et les États membres ne l'ayant pas encore fait.À l'heure actuelle, de nombreux pays remettent en question le bien fondé de l'accord et des points majeurs du texte. Récemment, le Parlement européen a rejetté la proposition du rapporteur David Martin de soumettre l'accord à la Cour de Justice de l'Union européenne, et ainsi de retarder le probable rejet du projet.

 

Dans ce contexte nous ne pouvons que craindre que se reproduise un schéma similaire avec le programme INDECT, et que les débats autour de ce projet ne se tiennent dans l'ombre.

 

SYSSEC la prévention contre les cyber-attaques à l'épreuve des libertés

 

L'implémentation du programme européen SYSSEC pourrait également être un danger pour nos libertés. Sa ligne directrice est de "penser l’Internet de demain, d’un nouveau monde”. Comme pour le projet INDECT, nous n'avons aucune certitude sur les parties concernant les technologies de surveillance qu'il contient. Les critiques relatives au défaut de transparence ainsi que l'absence totale de contrôle démocratique sur les niveaux d'avancement et le calendrier de mise en oeuvre de ce programme sont semblables à celles portées contre le projet Indect. Le projet a pour objet de prévenir les cyber-attaques terroristes contre les infractutures et systèmes de transmissions électroniques européens en réseau:

 

"Afin de faire progresser le domainede la cybersécurité, nous devons agir de façon proactive et en synergie pour changer les règles du jeu : au lieu d'être réactifs aux cyberattaques, nous devrions prendre les devants. Au lieu d'agir au moment ou après les attaques existantes, nous devons travailler sur leur prévisions et sur les vulnérabilités et construire notre défense avant que les menaces ne se concrétisent."

 

S'il est important d'agir contre les "menaces terroristes", y compris sur Internet, les mesures dans ce domaine doivent être ciblées, et lorsqu'elles sont inévitables, les atteintes aux droits élémentaires des citoyens limitées et encadrées. Les projets en question risquent une fois encore de dépasser largement ces bornes, et de s'appliquer à toute la population, en plus d'être inefficaces et inappropriés. Par ailleurs le caractère disproportionné de la mise en œuvre de ces programmes et le secret qui entourent parfois leur implémentation est discutable.

 

Pour autant, nous ne nous voilons pas la face: les menaces terroristes sont réelles, y compris sur la toile, et il nous parait légitime de combattre toute apologie de la violence. Cependant, il nous parait tout aussi malvenu de réagir systématiquement sur le registre de l'émotion, même lorsqu'elle est compréhensible face à des évènements tragiques.

 

Les dernières positions exprimées par le Président de la République, et candidat à sa propre succession ne peuvent que nous inquiéter davantage. Bon nombre de citoyens ne sont pas au courant de l'existence de tels programmes. Durant le quinquennat qui s'achève, nous avons maintes fois alerté la population sur les atteintes aux libertés en ligne en rendant visibles des projets tels que HADOPI, LOPPSI2, ARJEL... Nous ferons de même avec SYSSEC et INDECT, ainsi que tout autre programme, traité ou projet de loi qui nécessite une surveillance active des citoyens.

Nous comptons sur la bonne volonté de chacun pour récolter des informations sur ces programmes relativement opaques, ainsi que pour propager l'information par l'ensemble des vecteurs disponibles.

 

source:internetsansfrontières



03/06/2012

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